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 Témoignage d'une personne du territoire ayant vécu la maladie

 

            Voici deux ans que je suis à la retraite, mon mari va prendre sa retraite en septembre prochain, nous allons pouvoir en profiter à deux ; tout va bien. Et soudain, un soir d’été en me déshabillant, je sens une grosseur dans mon sein droit, j’essaie de me rassurer : « C’est peut être un simple kyste ! J’ai passé une mammographie il y a quatre mois !... ».

            Suivent alors des consultations chez mon généraliste, puis le radiologue, une biopsie et le diagnostic tombe : c’est un cancer. Malgré les questions et les révoltes (Pourquoi ? Pourquoi moi ? Je suis sportive, mince, j’ai une alimentation équilibrée …) il faut faire face. Encore toute une série d’examens avant la première opération : Une mastectomie (ablation partielle du sein) ; Hélas l’analyse qui suit montre qu’il faut aller plus loin : Chimiothérapie, ablation totale du sein et enfin radiothérapie. Six mois de traitements vont se succéder avec des hauts et des bas (la perte des cheveux est particulièrement traumatisante).

            Sans doute ai-je eu beaucoup de chance car j’ai été particulièrement bien entourée par mon mari, mes enfants et toute ma famille, mes amis et tous les membres de la Ligue contre le Cancer; j’ai ainsi pu continuer une vie à peu près normale : Je suis allée une semaine au ski, dès qu’il faisait beau j’allais à la radiothérapie en vélo (20km aller-retour) et l’été suivant, après l’arrêt des traitements j’ai retrouvé petit à petit ma forme physique. Psychologiquement c’est plus difficile, je suis sous traitement pendant cinq ans et je suis sans doute « protégée» mais il y a malgré tout une épée de Damoclès au dessus de ma tête et je crois qu’il faudra du temps pour que je n’y pense plus ; dès que je m’ennuie un peu, que le temps est gris et pluvieux, que j’ai du mal à dormir…etc, des idées noires trottent dans ma tête et je dois me secouer pour retrouver mon optimisme.

           Aujourd’hui il fait beau, je viens de faire une randonnée en vélo avec mon mari, demain je retrouve les bénévoles de la Ligue comme tous les lundis, la vie m’a un peu secouée, mais elle est belle. 

 

 

Témoignage de son mari 

 

           Tout allait bien, malgré de lourds nuages au tableau sur le plan professionnel, où j’ai pu vraiment compter mes amis, c'est-à-dire ceux qui ne vous lâchent pas quand gronde l’orage, ou quand l’herbe leur semble plus verte ailleurs. Il n’est jamais simple de diriger des hommes, et on a tendance à vouloir régler ses affaires, voire ses comptes avant de partir, ce qui est bien naturel, mais sans doute peu sage.

            Je m’apprêtais donc à griller mes dernières cartouches, lorsque ma femme, partie effectuer un contrôle à la suite de la détection d’une grosseur au sein arrive à la maison, livide. Je la prends dans mes bras et lui demande, « que se passe-t-il ?». La réponse tombe, à peine audible, « j’ai un cancer du sein ». Et là, ces «choses importantes » que je m’apprêtais à faire, deviennent bizarrement futiles !... Toutes affaires cessantes, je lui dis en l’embrassant « on va se battre ma "nina". Certes ce n’est pas une mauvaise grippe, mais je te jure qu’on va se battre, tous les deux, au coude à coude !... Une tante, qui a eu un cancer du sein voilà trente cinq ans est morte presque centenaire, de tout autre chose !… ».

            J’ai plaqué là mes responsabilités de tous ordres pour entrer à la ligue et accompagner de mon mieux ma femme dans ses souffrances et son combat. La mutilation du sein ? Quelle importance !... seuls ses yeux comptent, la joie ou la tristesse qu’ils reflètent, pour pouvoir me réjouir ou lui dire  « marche, avance je suis là ». La perte des cheveux ? J’imagine le traumatisme, et la force nécessaire pour sentir sur soi le regard des autres. Mais pour moi, cette petite perruque lui allait si bien ! Mais qu’importe !... L’essentiel pour partager sa lutte ? Rien d’autre que d’être là. Etre là quand on a besoin de vous ! Etre là pour encaisser ses moments de détresse pour l’encourager, ses moments de doute pour lui dire que moi aussi j’ai mal partout à cause de la fatigue et des années qui passent et que ça n’a rien à voir avec la maladie, pour servir d’exutoire et endurer sans broncher, quand on ressent pareille injustice, ce désir de mordre, de faire mal, par vengeance, à l’égard de tout ce qui bouge. Etre là pour paraître solide, pour qu’elle puisse s’appuyer sans peur, même s’il faut serrer les dents en constatant, avec De Gaulle, combien «la vieillesse est un gigantesque naufrage», être là pour me faire pardonner tous les moments où j’aurais dû être là et où je n’y étais pas !... Et puis, être là pour profiter ensemble de la vie, des enfants et petits enfants, de la famille, des amis, des paysages, des voyages, des bons moments que nous avons appris, dans cette épreuve, à déguster, à savourer bien mieux qu’avant, et nous consacrer à l’essentiel. Etre là, ensemble, pour être boulimiques de bonheur.

 

 

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Mise à jour le Mercredi, 23 Mai 2018 14:51